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Un besoin de travaux capitaux
05 Mars 2025
Par Théo Musunda
LIBREVILLE, 5 mars (Infosplusgabon) - L’un des symboles forts de l’accession à la magistrature suprême en mai 1981 de François Mitterrand, figure emblématique de la politique française, c’est la prouesse réussie par son ministre de la culture, Jack Lang, de réaliser ce que l’on a appelé à l’époque, «les grands travaux » : la Grande pyramide du Louvre, l’Opéra de la Bastille, la Bibliothèque nationale, l’Institut du monde arabe… Des infrastructures futuristes qui ont de façon ostentatoire, changé le paysage culturel et touristique de Paris.
C’est cette même dynamique nouvelle, qui a permis la création d’une foison de radios libres, ainsi qu’une belle palette de chaînes de télé privées, émettant 24 heures sur 24. Des faits qui ont fondamentalement bouleversé le mode de vie des français. Notamment avec l’institutionnalisation de la fête de la musique le 21 juin de chaque année, qui ramenait au beau souvenir du solstice d’été, lequel marquait dans les temps anciens, le passage des mois froids de l’année synonymes de vie cloitrée, à ceux chauds qui incitaient à la célébration de la gaité en plein air. Avant mai 1981 en effet, le large public n’avait accès qu’à trois chaînes de télévision, dont les programmes commençaient à 11 heures 30 minutes le matin, pour se terminer aux environs de minuit. Alors que New York à la même période offrait déjà des bouquets de plus d’une centaine de chaînes de radio et de télé, dont plusieurs à thème : sport, politique, culture, musique, etc, non-stop.
Au Cameroun voisin, la télévision n’existait pas jusqu’en 1982. La parade pour les familles et les individus en vue de passer le temps, était le visionnage de cassettes vidéo. Par la volonté des décideurs pourtant, le paysage audiovisuel a radicalement changé en très peu de temps par la suite, dans ce pays. A preuve, la CRTV (Cameroon Radio and Television) est une référence à l’échelle continentale aujourd’hui.
Si tant est donc qu’il existe une volonté réelle de changer notre pays en bien, et d’autant que, pour paraphraser le dicton bien connu, « la culture, c’est ce qui reste lorsqu’on a tout oublié », tout devrait être mis en œuvre afin par exemple, que le Gabon ne demeure plus l’un des rares pays où les droits d’auteur - faute de structures adéquates de gestion de ce volet particulièrement sensible à l’échelle sociale - demeurent virtuels. Paradoxalement dans le même temps, le discours public veut que l’artiste vive de son art.
Les pouvoirs publics devraient s’enorgueillir du fait que l’on ne connaisse plus le Gabon à l’extérieur seulement par son pétrole, son bois ou ses minerais. Les artistes de la trempe de Pierre Claver Akendengue, auquel ont emboîté le pas Vickos Ekondo, Mackjos, Pierre Claver Zeng, Oliver Ngoma, François Ngwa, Annie Flore Batchiellylis, Patience Dabany, Landry Ifouta, Nanette, Franck Baponga, Koba …., en ont imposé en musique, même au-delà des frontières nationales. Dans la sphère du cinéma, les séries télévisées L’Auberge du salut, Mami Wata, Le futur est à nous entre autres ; les longs métrages à l’instar des plus connus : Les couilles de l’éléphant, le collier du Makoko, sont des réussites saluées à l’international. C’est dire combien l’identité culturelle gabonaise habite désormais l’inconscient collectif des autres aussi, dans ce monde globalisé.
C’est pourquoi dans ce sillage, il est un plaisir réel de se rappeler que la Fête des cultures de Libreville, lancée en 1997, avait créé un engouement très significatif dans le public, pendant les premières années de son existence, avant de sombrer dans les aléas organisationnels très peu porteurs. Un événement majeur, qu’à cela ne tienne, qui avait déjà donné à la ville-capitale, une âme que l’on ne peut contester.
Aussi, est-il judicieux, en ces temps de renouveau national multiforme, de prendre des engagements déterminants au niveau du gouvernement, dans le sens de créer un environnement propice à un bouillonnement culturel de choix, participant à un développement bien perceptible de la nation gabonaise. Ce déploiement nouveau, permettra au monde de la culture, de sortir des institutions fossiles que sont l’ANPAC, l’ENAM, le Conservatoire National de Musique et Danse, etc. Des artistes gabonais consacrés au-delà des frontières nationales tels que Georges Mbourou et Minkoe-Mi-Nze, n’ont existé que par eux-mêmes. Or, la nation a besoin de plates-formes de référence, qui soient à la fois formatrices, et promotrices.
Il est donc incongru qu’en matière de rayonnement culturel chez-nous, l’unique espace de promotion des œuvres de l’esprit, demeure l’Institut Français du Gabon (ex-CCF). Pourquoi ne pas avoir la volonté politique de bâtir à Libreville, vitrine du pays, un imposant Centre Culturel Vincent De Paul Nyonda, en hommage au père du théâtre gabonais, par exemple ?
A l’échelle du Gabon, l’Agence Nationale pour la Promotion Artistique et Culturelle (ANPAC) constituait à l’indépendance, tout un programme de valorisation culturelle. De même l’Ecole Nationale des Arts et Manufacture (ENAM), le Musée National des Arts et Traditions, le Conservatoire National de Musique et Danse.
Dakar, la métropole sénégalaise, était pionnière heureuse, à l’échelle continentale au-dessous du Sahara, du fait d’abriter le célèbre Théâtre Daniel Serrano. Ce qui n’a pas empêché que le Monument de la Renaissance lui ait emboîté le pas, et trône majestueusement sur la corniche de cette ville désormais, avec une plus-value artistique et touristique incontestée.
Ouagadougou, depuis qu’elle se conforte dans les habits de capitale du pays des hommes intègres, s’est ingéniée à devenir par le biais du Fespaco et nombre d’autres caractéristiques de référence, la capitale culturelle de l’Afrique. Comme quoi, tout est volonté politique sincère au départ, pour se réinventer culturellement, de façon qui en impose. Car, même dans le monde qui est devenu un village planétaire de nos jours, l’impératif de la rencontre avec l’autre, ne nous dispensera jamais de la gestion efficiente de notre substance identitaire. C’est un soft power à l’impact si inestimable, dans le concert des nations.
FIN/INFOSPLUSGABON/YTU/2025
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