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France : Mémoire de la guerre d’Algérie : les Pieds-Noirs, grands oubliés (Tribune libre)

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Par Adélaïde Motte

LIBREVILLE, 12 décembre (Infosplusgabon) - Adélaïde Motte est petite-fille de Pieds-Noirs et dont les parents ont contribué à construire l'Algérie française. Dans les lignes qui suivent,  elle  nous  livre  sa part de  vérité, non sans  émotion et  courage.

 

Petite-fille de Pieds Noirs, j’ai baigné dans leur mémoire meurtrie, mais fière. Une mémoire que le lycée, puis les études, n’ont cessé de salir, faisant de mes grands-parents des racistes tortionnaires et responsables d’un génocide.

 

Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron travaille à restaurer la mémoire des harkis. Cette mémoire, celle de ceux qui ont combattu pour la France et les Français, est légitime. Emmanuel Macron est aussi ce président qui, alors qu’il n’était encore que candidat, a qualifié la colonisation de crime contre l’humanité. Quel crachat au visage de ces Algérois qui ont tant fait pour l’Algérie française !

On m’a plusieurs fois dit, au cours de mes études, que les Français torturaient les Algériens, mais ce sont mes grands-parents qui m’ont appris que ces Algériens arrêtaient des voitures et égorgeaient leurs occupants, ou posaient des bombes dans les marchés. Ce sont eux qui m’ont raconté les fermes modernes, les exploitations, les maisons, les immeubles que leurs familles construisirent. Ce sont eux et leurs amis qui m’ont raconté que là-bas, les Pieds-Noirs payaient l’école de leurs enfants, mais aussi celle des enfants algériens.

Malgré la sueur et le sang versé, on s’obstine, en politique, dans nombre d’ouvrages d’histories et dans leurs prolongements que sont les manuels scolaires, à peindre les Pieds-Noirs dans des couleurs sombres et sans nuances. Un tel mensonge serait déjà inacceptable si ces derniers n’existaient plus. Or, ils sont toujours là. Ils souffrent quand on les accuse d’avoir commis un génocide, ou quand leurs petits-enfants leur expliquent ce qu’ils ont appris à l’école. Alors ils parlent, parce qu’ils ne peuvent supporter de voir leur mémoire souillée, et ces petits-enfants deviennent détenteurs d’une histoire interdite.

 

Il ne faut pas, selon Mme Taubira, accabler les jeunes de banlieue avec le récit l’esclavagisme pratiqué par les Arabes pendant des siècles. Pour l’esclavage comme pour la colonisation, les blancs semblent toujours avoir les épaules plus solides, puisqu’on accepte de les accuser de tous les méfaits de leurs ancêtres, et qu’on en invente même de nouveaux. Car la colonisation de l’Algérie n’a pas été un méfait, et la guerre d’Algérie n’était pas un crime. C’était une guerre, avec ce qu’elle compte de douleurs et de violences, dans un camp comme dans l’autre.

 

Ma grand-tante me l’enseigne, elle dont le mari a été égorgé, et dont la robe de mariée a ensuite été perdue parce que les Algériens forçaient les Pieds-Noirs à plonger leurs valises dans la mer avant de prendre le bateau pour le « rapatriement », comme elle appelle ce que je connais sous le nom de décolonisation. Si la France veut condamner la torture pratiquée sur les membres du FLN, alors elle doit condamner, au moins avec la même force, tous ceux d’entre eux qui ne se préoccupaient pas de la culpabilité des femmes et des enfants qu’ils faisaient sauter. Il est absolument inconcevable qu’aujourd’hui, dans notre pays, un élu comme Julien Bayou puisse se réclamer d’être le fils d’une telle terroriste. Car lorsqu’on tue des femmes, des enfants, des vieillards désarmés, on n’est pas un combattant.

 

Nous, descendants des Pieds-Noirs, sommes moins bruyants que les descendants des militants du FLN. Peut-être avons-nous tort. Nous avons perdu la terre de nos ancêtres, les maisons familiales, les tombeaux de nos aïeux. Nous avons perdu des grands-parents, et ceux qui restent sont marqués à vie. Ils racontent, souvent avec des tremblements dans la voix, la perte d’un frère, d’une mère ou d’un époux, l’abandon de l’ouvrage de leur vie, le rapatriement douloureux et souvent misérable. Oui, peut-être avons-nous tort, nous qui avons tant perdu, de ne pas nous battre pour conserver ce qui nous reste : la mémoire. Cette mémoire mérite d’être enseignée, pas d’être souillée.

 

FIN/INFOSPLUSGABON/OKJ/GABON2021

 

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