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Quels effets exercent la présence militaire étrangère en Libye sur le processus de règlement de la crise ?

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Tripoli, Libye, 3 décembre (Infosplusgabon) - Alors que le processus de règlement de la crise en Libye s'est engagé dans la dernière ligne droite avec l'adoption d'une feuille de  route, la fixation d'une date pour l'organisation d'élections générales, et l'enregistrement de progrès dans la seule question en suspens relative aux mécanismes de choix de la nouvelle autorité exécutive chargée de gérer la transition, la remise au devant de la scène avec l'envergure de la présence étrangère interroge sur les risques qu'elle pèse sur la finalisation d'une issue politique dans ce pays d'Afrique du Nord.

 

 

Ce rappel de la présence étrangère en Libye, en particulier celle militaire, a été fait par la Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général de l'ONU, Stephanie Williams, en mettant en garde les Libyens, notamment les participants au Forum du dialogue politique libyen afin de prendre la mesure de l'ampleur de la menace qui pèse sur le pays et des véritables enjeux d'un règlement de la cirse pour garantir l'avenir du pays, sa stabilité, sa souveraineté et son indépendance.

 

 

 

Intervenant, mercredi, devant la troisième réunion virtuelle du deuxième cycle du Forum du dialogue politique consacré au choix du mécanisme de sélection des dirigeants de la nouvelle autorité exécutive chargée de gérer la phase de transition jusqu'aux élections générales du 24 décembre 2021, Mme Williams a divulgué l'existence de 10 bases militaires totalement ou partiellement occupées par des forces étrangères, ainsi que la présence de 20.000 combattants ou mercenaires étrangers partout dans toutes les régions de Libye.

 

 

 

Pour la cheffe de la Mission d'Appui des Nations Unies en Libye (MANUL) qui n'a pas nommé de pays, la poursuite des envois des armes en violation de l'embargo imposé par le Conseil de sécurité, constitue une aberration car la Libye n'a pas besoin, selon elle, d'armes dont elle regorge, mais de paix et de stabilité pour la reconstruction et réaliser la prospérité de ses citoyens qui sont en proie à des pénuries et de multiples crises sociale et économique avec la baisse du pouvoir d'achat, l'absence de liquidités, le manque d'accès aux services de base. Une situation qui est aggravé par la pandémie du coronavirus qui a fait près de 85.000 infections et plus de 1200 décès.

 

 

 

Mais ce qui interpelle dans les révélations de la responsable onusienne, selon l'analyste politique libyen, Abdelkader Abouzid, "c'est le message qui apparaît entre les lignes sur la perte de la Libye et sa prise en otage entre les intérêts des pays étrangers qui ne défendent que leurs objectifs et les agendas qu'ils se sont tracés pour les atteindre".

 

 

 

Selon lui, "lorsque Stephanie Williams indique que les étrangers occupent maintenant votre maison en allusion à la présence militaire, cela sonne comme une occupation du pays", ajoutant que "cela implique que les Libyens ont perdu l'indépendance de leur décision et leur volonté de préserver l'intérêt de leurs pays et de leurs concitoyens".

 

 

 

Interprétant le discours de la Représentante du secrétaire général de l'ONU, M. Abouzid, a souligné que "Stephanie Williams a appelé les Libyens à ne pas se leurrer par ces "hôtes" qui ne cherchent qu'à satisfaire leurs intérêts qui forcément ne coïncident pas avec ceux des Libyens".

 

 

 

Il a précisé que "ces étrangers qui soutiennent des parties en conflits agiront pour concrétiser la réalisation de leurs intérêts qui sont certainement contradictoires, et de ce fait pousseront les belligérants libyens à la confrontation afin de rendre leur présence toujours plus nécessaire et de maintenir l'état de chaos et d'instabilité qui leur profitent".

 

 

 

Khaled Al-Hedi Younis, militant de la société civile libyenne, a estimé que "l'évocation par Stéphanie Williams de la présence militaire étrangère si elle vise à expliquer les blocages survenus dans le dernier volet des discussions du Forum du dialogue politique libyen concernant les mécanismes de choix du président du Conseil présidentiel et du Premier ministre, elle révèle aussi un fait plus grave sur l'avenir des arrangements conclus lors du Forum étant donné que les ingérences étrangères peuvent influer sur les positions des participants libyens et les mener à renier leurs engagements".

 

 

 

M. Younis a affirmé que "les ingérences étrangères demeurent toujours en Libye et sont soutenues et favorisées par des parties libyennes qui n'agissent pas en raison de gains personnels pour se débarrasser de cette influence et saisir l'opportunité du consensus dans le pays pour faire recouvrir la volonté de décision", assurant que "tant que cette situation perdure la présence des forces étrangères restera comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus des têtes des Libyens et tous les efforts déployés pour régler la crise dans le pays sera vouée à l'échec par ces ingérences".

 

 

 

Le professeur universitaire libyen, Abdelmajid Al-Amari, a souligné que "l'intervention de Stephanie Williams dévoile les problèmes de taille auxquels est confronté le processus politique en Libye qui est complètement compromis tant que la présence militaire étrangère se poursuit dans le pays", rappelant que "l'Envoyée onusienne avait déploré lors d'une précédente intervention devant les participants au Forum du dialogue politique, l'absence de mise en œuvre de certains points de l'accord de cessez-le-feu relatifs au retrait des troupes et des armées de la ligne de contact entre les deux parties".

 

 

 

M. Al-Amari a rappelé que "près d'un mois et demi après la signature de l'accord de cessez-le-feu immédiat le 23 octobre à Genève par les membres de la Commission militaire conjointe 5+5, de nombreux points n'ont pas encore été appliqués notamment le repli des troupes dans leurs casernes et celui du départ des combattants étrangers et mercenaires".

 

 

 

En effet, l'accord du cessez-le feu signé sous les auspices de la Mission d'Appui des Nations Unies énonce le retrait dans un délai de trois mois de la signature de l'accord de l'ensemble des forces étrangères du pays.

 

 

 

Pour le professeur universitaire libyen "le retard dans l'application de l'accord dévoile le risque qu'il ne s'agisse que de l'encre sur du papier et que la mise en œuvre et l'application ne seront que théoriques, mettant en danger tous les efforts déployés et faisant tomber à l'eau les aspirations des Libyens à tourner la page du conflit au risque de créer une désillusion après l'élan d'espoirs né d'une succession d'événements ayant abouti à la reprise du processus politique en passant par le cessez-le-feu et autres pistes du dialogue au Maroc et à Genève".

 

 

 

Il a souligné que "des informations font état de violation par le camp de Haftar du cessez-le-feu et de mobilisation de troupes de ses forces pour mener une seconde attaque contre la région Ouest", considérant qu'"il s'agit d'une option improbable car sur le plan militaire rien n'a changé pour que Haftar puisse croire pouvoir arriver là où il a échoué après plus de 13 mois d'offensive contre Tripoli soldée par un revers cinglant".

 

 

 

Toutefois, M. Al-Amari juge "la situation préoccupante dans le contexte de cette présence militaire étrangère d'envergure qui est de nature à compromettre un règlement politique et à ramener la Libye à la case départ après ces progrès réalisés par consensus entre Libyens au sein du Forum du dialogue politique".

 

 

 

A noter que les participants du Forum de dialogue politique libyen ont commencé à voter par téléphone sur les propositions pour les mécanismes de nomination et de sélection pour le Conseil présidentiel et le Premier ministre.

 

 

 

Selon des sources proches des participants, la Mission d'Appui des Nations Unies en Libye a contacté les membres du Forum de dialogue au nombre de 75 participants pour voter sur les propositions par téléphone et confirmer par la suite le vote par écrit.

 

 

 

Ce développement témoigne que les participants du Forum ont réussi à surmonter une partie de l'obstacle qui s'était dressée au niveau de la question du mécanisme de choix et de nomination de la nouvelle autorité exécutive.

 

 

 

Ridha Al-Awami, activiste politique libyen, a souligné de son côté, "être optimiste à l'égard de la réussite du processus politique et du règlement de la crise, malgré ces ingérences car les Libyens sont décidés à sortir leur pays de cette insécurité et de cet état de division pour bâtir un Etat viable fondé sur des institutions assurant l'alternance au pouvoir malgré tous les obstacles et les difficultés qui peuvent se dresser".

 

 

 

Il a cité "l'arrivée, ce jeudi, des députés dont le nombre a dépassé les 100 pour se réunir à Ghadamès (Sud-Ouest) après s'être rencontrés au Maroc, pour la première fois avec un aussi grand nombre pour unifier l'institution qui est divisée et redonner à cette instance législative son action et son rôle pour accompagner la phase cruciale dans laquelle s'est engagée la Libye en préparation des élections du 24 décembre 2021".

 

 

 

M. Al-Awami a rappelé aussi "la réunion des membres de la Chambre des représentants (Parlement) et ceux du Haut Conseil présidentiel à Tanger, au Maroc pour affiner les accords convenus dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 15 de l'Accord politique libyen concernant la nomination aux postes de souveraineté", soulignant qu'"ils ont mis l'accent sur l'appropriation libyenne du processus politique et ont promis de contribuer à promouvoir le Forum du Dialogue politique libyen afin qu'il soit un succès pour réaliser les décisions convenues".

 

 

 

Certes, la présence militaire étrangère et les ingérences représentent une menace persistante en Libye, reconnaissent les observateurs politiques de la scène libyenne, signalant que le désir de paix des Libyens est réel et découle d'une lassitude à l'égard du chaos et de l'instabilité dans le pays.

 

 

 

La classe politique libyenne est consciente du ras-le-bol des citoyens qui ont énormément souffert et ne supportent plus la corruption et la mauvaise gestion qui ont marqué les gouvernements successifs durant ces dernières années en Libye, ajoute ces mêmes observateurs.

 

 

 

Ainsi, il n'y a qu'une seule alternative pour les Libyens, celle de transcender ces ingérences étrangères pour faire prévaloir les intérêts de leur pays afin de donner l'opportunité aux citoyens de profiter des richesses dont regorge le sol libyen.

 

FIN/INFOSPLUSGABON/ASQ/GABON2020

 

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