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Amnesty International accuse le Cameroun de crimes de guerre dans la lutte contre Boko Haram

LIBREVILLE, 20  juillet (Infosplusgabon) -  Des centaines de personnes accusées souvent sans preuve de soutenir Boko Haram sont violemment torturées par les forces de sécurité dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, accuse Amnesty International dans un rapport publié ce jeudi.

 

 

Le rapport intitulé "Chambres de torture secrètes au Cameroun: violations des droits humains et crimes de guerre dans la lutte contre Boko Haram" rassemble des informations sur 101 cas de détention au secret et de torture, qui auraient eu lieu entre 2013 et 2017 sur plus de 20 sites différents, sur la base de dizaines de témoignages corroborés par des images satellitaires, des photos et des vidéos.

 

"Nous avons toujours condamné sans équivoque les atrocités et les crimes de guerre commis par Boko Haram au Cameroun. Néanmoins, rien ne saurait justifier le recours impitoyable et généralisé à la torture par les forces de sécurité contre des Camerounais ordinaires, qui sont souvent arrêtés sans preuve et se voient infliger des souffrances inimaginables, a le directeur du programme Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale à Amnesty International, le Sénégalais Alioune Tine.

 

"Ces terribles violations s’apparentent à des crimes de guerre. Au vu des multiples éléments que nous avons découverts, les autorités doivent diligenter une enquête indépendante sur la pratique de la détention au secret et de la torture, notamment en vue d’établir les responsabilités éventuelles, aussi bien au niveau individuel que dans la chaîne de commandement", estime le rapport.

 

Amnesty International révèle avoir écrit aux autorités camerounaises en avril dernier afin de leur faire part du contenu du rapport, mais elle n’a pas obtenu de réponse, et toutes les demandes d’entretien qu’elle a formulées par la suite ont été rejetées.

 

Par ailleurs, Amnesty estime que Boko Haram a tué plus de 1500 civils au Cameroun depuis 2014 et perpétré de nombreux enlèvements.

 

"Les victimes ont décrit au moins 24 méthodes de torture qu’elles avaient subies. Dans l’une des positions douloureuses les plus courantes, surnommée la position de "la chèvre" par les détenus, on leur attachait les membres derrière le dos avant de les battre. Une autre technique, appelée "la balançoire", consistait à suspendre les détenus en l’air, les membres liés dans le dos, avant de les frapper", soutient Amnesty.

 

Le rapport explique que l’immense majorité des victimes ont été torturées sur deux sites de détention non officiels: le siège du Bataillon d’intervention rapide (BIR) à Salak, près de la ville  de Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord, et un centre situé à Yaoundé, la capitale, près du Parlement et géré par la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE les services de renseignement.

 

À Salak, les deux cellules principales mesurent environ neuf mètres sur cinq et accueillent chacune jusqu’à 70 personnes.

 

En général, les détenus étaient torturés dans une salle d’interrogatoire qu’ils appelaient la "salle de la DGRE" et qui se trouve à proximité du bureau d’un haut gradé.

 

Selon les victimes, ce responsable donnait des ordres aux agents chargés de l’interrogatoire, l’une d’elles affirmant même qu’il avait pouvoir de vie et de mort sur les détenus.

 

"Ils m’ont demandé de leur dire si je connaissais des membres de Boko Haram. C’est à ce moment-là que le gardien m’a attaché les mains et les pieds derrière le dos et a commencé à me frapper avec un câble électrique, tout en m’aspergeant d’eau. Ils m’ont pratiquement battu à mort", raconte à Amnesty un détenu interpellé en mars 2016.

 

Un autre détenu dit avoir passé six mois en détention au secret et a été interrogé et torturé à plusieurs reprises à Salak, "les militaires nous ont demandé d’avouer. Ils nous ont dit que, si nous ne le faisions pas, ils nous emmèneraient à Yaoundé pour nous tuer. Nous avons répondu que nous préférions être tués plutôt que d’avouer quelque chose dont nous n’étions pas au courant. Ils nous ont frappés comme ça pendant quatre jours".

 

Amnesty International a découvert que, depuis mai 2014, le BIR utilisait une école située dans la ville de Fotokol, dans l’Extrême-Nord, comme base militaire.

 

Des spécialistes se sont entretenus avec six hommes détenus et torturés à cet endroit entre décembre 2015 et mars 2016 et ont analysé une vidéo montrant des militaires du BIR en uniforme qui torturaient des détenus.

 

Dans une des séquences, plusieurs militaires traînent un homme sur une cinquantaine de mètres et battent des hommes ayant les yeux bandés au moyen de bâtons en bois.

 

L’établissement accueille de nouveau des élèves depuis la fin de 2016 mais, en juin 2017, certaines parties étaient encore utilisées par le BIR et au moins neuf détenus s’y trouvaient toujours.

 

Se servir d’une école comme base militaire, en présence d’élèves constitue une violation des obligations du Cameroun au regard du droit international humanitaire qui exige de protéger les civils lors des conflits armés.

 

 

FIN/INFOSPLUSGABON/MAO/2017

 

 

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