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Gabon : Le Bel Immonde ou l’Afrique qui se regarde telle en elle-même

Afrique-Culture-Cinéma

 Par Philippe  Miazonzama

LIBREVILLE, 25 mars (Infosplusgabon) –  Ma rencontre avec Balufu Bakupa-Kanyinda remonte à 1995.C’était l’année où l’on célébrait les 100 ans du cinéma africain.   Le symbole était donc tout à fait indiqué pour que le cinéaste panafricain décide que la capitale gabonaise servirait de cadre pour le tournage du film qu’il préparait à l’époque : ‘Le Damier’.

 

1996 en a vu la réalisation, avec bonheur. C’est à n’en point douter au nom de ce signe que Balufu est revenu à Libreville les grandes vacances de 2003, pour les repérages liés au tournage d’un nouveau film : ‘Le Bel Immonde’, que j’ai l’autre jour eu l’immense bonheur de revoir sur une chaine de télé internationale.

 Le Cinéma africain a connu un parcours plutôt contrasté, tout au long du XXe siècle, et en ce début de XXIe siècle. En effet, du film ethnographique avec Jean Rouch, on est passé au film historique avec Sembene Ousmane, avant que les genres ne s’éclatent avec Henri Duparc et Mweze Ngangura.

 Quelles que soient les époques pourtant, ce cinéma est resté coupé de son public. Surtout que toutes les salles de cinéma ont partout été transformées en églises. Or le cinéma, peut-être plus que les matières minières, est un puissant outil de développement, dans le sens de l’émancipation communautaire. N’est-ce pas en axant le jeu autour de ‘American dream’ -le rêve américain- que les Etats-Unis d’Amérique ont su se doter d’un fabuleux levier, qui a aidé l’esprit de créativité à se faire pousser des ailes chez les citoyens.

 Cette préoccupation à offrir aux peuples africains, des modèles servant de catalyseur dans leur action au quotidien, habite Balufu de bout en bout, dans sa création. N’allez pourtant pas croire qu’il agit de façon prosaïque. L’homme est trop soucieux de qualité, pour emprunter des chemins si communs à regret. Car il s’est d’abord imposé de se doter d’une formation de choix à l’université de Howard, afin d’être en mesure de conter avec méthode ce qu’il se plait à appeler ses ‘berceuses’. C’est-à-dire toute narration constituant la trame d’un film.

 Fictions ou documentaires, ses films obéissent avec constance à cet impératif. Lorsqu’on connait suffisamment l’homme, on comprend vite qu’il veut être de ces créateurs qui offriront à l’Afrique enfin, ses Sidney Poitier, Denzel Washington ou Woopi Goldberg.

 Ce, pour une réconciliation de ses filles et fils avec eux-mêmes, puisque libérés de tout  complexe. Il est vrai que la scène artistique ne pourvoit pas des réponses toutes faites aux infinies interrogations qui  naissent dans  l’esprit du  public, après un spectacle de  qualité. Elle a en moins le  mérite de les susciter. De sorte que, tel que le préconisait Frantz Fanon qui récusait de  battre le  fer quand  il est  chaud,  il  faudrait au  contraire remettre le  feu à  la  carcasse humaine. Peut-être que par auto-combustion on arriverait à un résultat tout à  fait inattendu et  insolite.

 L’Afrique que raconte Balufu dans ses  films est une Afrique actuelle,  réelle, qui  vit ses  joies et ses  peines. Une Afrique dans  laquelle les  communautés éprouvent un mal préjudiciable à  coller au  temps, certes. Elle se bat comme elle peut, au moins. Souvent avec des fortunes douloureuses, pourtant avec en  bien de  cas une  volonté manifeste de s’en  sortir, surtout chez le  bas peuple.

 « Le bel Immonde »  symbolise assez  parfaitement ce  mélange de  paradis et  d’enfer, de  beauté sublime et de  laideur insoutenable, qui caractérise l’Afrique d’aujourd’hui. Continent dans  lequel les  notions de  développement, de  démocratie, de  liberté, de  justice et de  paix prennent des significations si  inattendues. Afrique dans  laquelle les intrigues sur  fonds de  trahison, de  cupidité,  d’égoïsme et  d’égocentrisme amplifient souvent la sidération à l’excès.

 Dans  le  même  temps pourtant, elle a  produit des  visionnaires hors  pair à  l’échelle mondiale : Lumumba, Nkrumah,  Biko, Sankara etc. lesquels,  tel l’architecte,  ont  proclamé d’un  trait incantatoire,  chacun  à  son  tour,  l’édifice à ériger. A  l’image de Mandela,  ils ont entretenu sur  un  modèle de  témérité,  d’intégrité,  la flamme de  l’espoir.

 Une  chose est  sûre :  la  bataille du  développement de l’Afrique se  gagnera avec  une   forte  conscience des  repères. Vivement que le  cinéma puisse aider à  les assoir fermement dans  la mémoire collective de ses enfants.

 Quelle  joie en attendant de  voir  défiler au  fil des  scènes,  les décors de Libreville,  Kango et  le  Cap Estérias qui agrémentent  la  trame du  premier long  métrage de  ce  cinéaste résidant de  longue  date à Paris,  né à  Kinshasa tout  juste avant que le  Continent entier ne se trémousse au  rythme désormais légendaire de  «  Indépendance Cha-Cha, et qui entre autres est réalisateur de « Wats » et « Afro Digital ».

 

 FIN/INFOSPLUSGABON/HIO/GABON 2017

 

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