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Impasse politique et spectre d'une partition de la Libye nourrissent les craintes des Libyens

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Tripoli, Libye, 31 mai (Infosplusgabon) - La tournure prise dernièrement par le conflit en Libye sous l'effet de l'intervention de puissances étrangères, a fait naître des craintes chez une importante frange de Libyens qui ne cachent plus leur peur à l'égard du risque, de plus en plus grand, d'une partition du pays dictée par les intérêts stratégiques des pays extérieurs intervenant dans la crise libyenne dans le contexte de la poursuite de l'impasse du processus politique.

 

Les revers successifs subis par l'armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar sous les coups de boutoir de l'armée loyale au gouvernement d'union nationale sur le point de l'expulser définitivement de la région Ouest du pays, accréditent ces appréhensions.

 

Un développement de la situation qui reflète l'échec de l'offensive militaire lancée par Haftar en avril 2019 pour prendre le contrôle de la capitale Tripoli et toute la région ouest du pays.

 

Cette évolution sur la plan militaire a été réalisée grâce au soutien de la Turquie au gouvernement, d'union nationale en vertu d'un protocole d'accord de coopération de sécurité et militaire, permettant de renverser le cours de la guerre de Tripoli.

 

L'apparition de deux acteurs étrangers majeurs qui se sont imposés dans le paysage politique et militaire de la Libye dévoile une dualité opposant la Russie et la Turquie dans ce pays d'Afrique du Nord.

 

Les deux puissances étrangères soutiennent chacune l'un des deux principaux belligérants en Libye, le camp du gouvernement d'union nationale appuyé par Ankara et celui de l'armée nationale libyenne dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, aidé par Moscou.

 

Ablemajid Slah al-Majbri, un professeur à l'université a indiqué que "c'est une situation qui fait craindre un basculement du pays dans une violence débouchant sur la partition du pays dans le contexte de l'impossibilité de l'un des deux camps de l'emporter militairement au détriment l'un de l'autre".

 

Il a justifié "ces craintes par les leçons tirées des expériences passées relatives aux initiatives politiques et autres conférences qui se sont soldées par des échecs patents à régler la crise libyenne par des moyens politiques négociés".

 

Devant cette nouvelle perspective qui se profile à l'horizon, une grande partie des  Libyens ont entamé un débat informel sur la toile, pour exprimer leurs positions et faire part des sentiments que leur suscite cette alternative qui risque de décider du sort de leur pays en lui traçant un destin autre que celui auquel ils ont toujours rêvé , à savoir, une Libye unie, garantissant la liberté , la dignité et un Etat civil fondé sur le principe de l'alternance pacifique au pouvoir via les runes dans le cadre d'une opération électorale transparente.

 

Fraj Ahmed Boussetta, a écrit sur un Forum sur les réseaux sociaux Libye discutant des développements de la solution militaire et politique et des risques de partition de la Libye que "la confrontation militaire entre les deux camps libyens va s'estomper après l'expulsion des partisans de Haftar de la région de l'Ouest du pays"

 

M Boussetta a prédit qu'"à partir de cet instant une ligne de démarcation virtuelle mais géographiquement palpable sa s'instaurer préservant l'influence de chaque camp dans une aire géographique spécifique , à savoir , l'Est pour Haftar et une partie du Sud ainsi que l'Ouest pour le gouvernement d'union nationale ainsi qu'une partie du Sud du pays".

 

Il est rejoint par Mohamed Ali Hassan qui souligne que "la division du pays en deux sera inéluctable en raison de l'entêtement, de chaque camp et des intérêts contradictoires des sponsors internationaux", estimant que "cette partition se fera sous un couvert international malgré les affirmations des pays de la communauté internationale sur la nécessité de la préservation de l'unité et de la souveraineté de la Libye".

 

Selon lui, "entre les paroles et les actes  il y'a tout un hiatus", ajoutant que "les engagements pris à maintes reprises par les pays étrangers en particulier, les pays intervenant en Libye, sont restés lettre morte et de la simple encre sur du papiers dans les communiqués et déclarations finales des conférences à l'instar de ce qui s'est passé à la Conférence de Berlin le 19 janvier dernier".

 

Pour Salem Ben Attia "cette partition du pays sera cautionné par les Etats-Unis qui penchent du côté de la Turquie contre leur concurrent traditionnel la Russie", assurant que "Washington trouve son compte dans le succès remporté par la Turquie qui représente l'OTAN dont elle est pays membre".

 

Il a estimé qu'une décennie  de guerre et d'affrontements armés avec tout leur corollaire d'assassinats, d'enlèvements, de souffrances des Libyens et de pillage des biens public n'ont pas suffit pour assouvir les désirs de certains qui trouvent dans la situation de chaos leur compte d'où la nécessité de la création de deux Etats où chaque région aura le loisir d'instaurer le régime qu'elle choisit qu'ils s'agisse d'un régime dictatorial, démocratique ou anarchique. L'important est que les gens en ont marre de cet état de précarité et d'instabilité qui a esquinté les Libyens".

 

Face à ces opinions qui crient à une partition du pays, d'autres Libyens nourrissent des réserves à l'égard de cette possibilité, soulignant que qu'aucune partition du pays ne peut être viable ni donner deux Etats distincts en Libye étant donné les imbrications entre les composantes du peuple libyen et les liens de consanguinité entre les même tribus réparties aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest, au Centre ou au Sud du pays.

 

Muftah al-Chweihdi a souligné dans sa contribution au forum que "la partition du pays ne sera pas acceptée par la communauté internationale qui a toujours été présente dans les moments historiques de la Libye indépendamment de ses apports positifs ou négatifs", rappelant que "lors de l'indépendance aux Nations unies en 1951 ou la révolution en 2011 ou encore en 2019 lors de la guerre de Tripoli".

 

M. al-Chweihdi  a affirmé que "les Libyens eux-mêmes n'accepteront pas que la pays soit divisé ni renoncer à quelconque partie de territoire au profit d'autres fussent-ils libyens eux aussi", soulignant que "ceux qui ont favorisé les ingérences extérieures dans le pays ne sont pas représentatifs de tout les Libyens  qui résisteront par tous les moyens au morcellement de leur territoire".

 

L'analyste politique libyen, Abdessalem al-Fitouri a tranché dans ce débat, expliquant que "les craintes d'une partition sont réelles et justifiées  à la lumière de l'envergure des interventions extérieures et la volonté qui anime les puissances étrangères motivées par des gains matériels recherchés en contrepartie de leur soutien  aux différents camp en présence en particulier les convoitises à l'égard des énormes richesses pétrolières que recèle le pays".

 

Selon lui "le soutien de la Turquie au gouvernement d'union nationale est motivé par des considérations d'ordre stratégique et économique étant donné les gains recherchés à travers le soutien au gouvernement d'union nationale qui vont assurer à la Turquie une présence stratégique en Méditerranée et l'accès aux réserves de gaz dans le sous-sol et en mer", rappelant "le protocole d'accord sur la délimitation des zones maritimes signé entre les deux pays".

 

Il a affirmé aussi que "la Russie cherche à engranger des dividendes pour son appui à Haftar avec un accès en à la Méditerranée pour l'Europe sur le flanc Sud et un contrôle plus accru sur les gisements de pétroles dont regorge la région orientale pour asseoir sa domination sur les sources énergétique par rapport à l'Europe".

 

Evoquant l'intérêt de la Russie pour son intervention aux côtés de Haftar, Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye qui a balayé d'un revers de la main la possibilité de transposition du scénario de la Syrie en Libye , a souligné que Moscou cherche à avoir un apanage sur les sources énergétiques dans le cadre d'une concurrence avec l'Europe, décrivant cette situation par une "stratégie de pinçage vis-à-vis de l'Europe".

 

Ce chercheur au "Clingendael Institute" aux Pays-Bas, a précisé dans un entretien accordé au journal français "Le Point" que "les Russes veulent pouvoir se présenter comme une alternative aux côtés des fournisseurs d'Afrique du Nord et agir sur les flux d'énergie vers l'Europe. Pour la Russie, c'est un moyen de couvrir le flanc sud de l'Europe.

 

De la même manière qu'elle couvre aujourd'hui le flanc est en approvisionnant notamment l'Allemagne en hydrocarbures. C'est une stratégie qui se met en place lentement, mais les Russes bâtissent ce projet pour les quinze ou vingt prochaines années".

 

Selon lui, la Russie n'a pas l'intention de s'embourber ni de mener une guerre en s'engageant profondément en Libye d'autant plus qu'elle est encouragé par les pays du Golfe en l'occurrence les Emirats arabes unis, alliés de Haftar qui se chargent de la prise en charge du financement de l'effort de guerre en Libye.

 

Mais pour le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du gouvernement d’Union nationale, Mohamed al-Gueblawi, le gouvernement à l'intention "d'établir sa totale autorité sur l’ensemble du territoire libyen avant de reprendre le processus politique", se félicitant de la rectification par les Etats-Unis de leur position en Libye en apportant leur soutien au Conseil présidentiel reconnu par la Communauté internationale.

 

Répondant aux question de RFI, M. al-Gueblawi a affirmé: "Nous ne voulons pas de Khalifa Haftar dans le processus politique. Ce criminel de guerre n’est pas un partenaire dans ce futur processus. Le processus de paix se fera entre les enfants du peuple libyen qui croient à un État démocratique et non militarisé".

 

Il a rappelé que le président du conseil présidentiel Fayez al-sarraj , "a fait un appel aux hommes politiques, à l’élite et aux tribus de l’est pour qu’ils présentent un projet politique afin que l’on puisse arriver à une entente et une solution définitive à cette crise".

 

Entre les craintes d'une partition du pays sous l'effet des ingérences étrangères des uns et les velléités d'exclusions des autres, la crise en Libye est appelé à perdurer même si certains voient dans les derniers développements militaires les prémices d'une issue avec la possibilité de la reprise du processus politique pour une solution qui sera imposée de l'extérieur.

 

 

FIN/ INFOSPLUSGABON/UUU/GABON2020

 

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