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Peut-on considérer comme "mort-né" la déclaration du maréchal Haftar s'autoproclamant seul dirigeant de la Libye

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Tripoli Libye,  2 mai  (Infosplusgabon) - La déclaration du maréchal autoproclamé Khalifa Haftar, commandant de "l'armée nationale libyenne", d'avoir accepté ce qu'il a appelé le choix du peuple libyen faisant de lui le seul dirigeant du pays, rendant caduc l'accord politique libyen signé en décembre 2015 à Skhirat au Maroc, a suscité de larges réactions aux plans local et international, notamment au niveau des pays qui interviennent dans les affaires intérieures de la Libye et a fait couler beaucoup d'encre à travers le monde.

La démarche personnelle du maréchal Haftar intervient au moment où le monde est préoccupé par la propagation de la pandémie de Covid-19 qui a tué des dizaines de milliers de personnes et atteint des centaines de milliers d'autres, tout en mettant la quasi-totalité des pays au bord d'une récession économique sans précédent à cause des confinements, du couvre-feu et de la distanciation sociale imposés un peu partout à travers le globe terrestre.

 

Les observateurs de la situation en Libye considèrent que la décision de Aguila Salah, président de la Chambre des représentants (Parlement) et allié du maréchal Haftar, de se réfugier à sa ville natale au milieu de sa tribu "Al Abidat" l'une des plus importantes tribus de l'Est du pays et la vidéo fuitée sur le discours qu'il a prononcé devant les membres de sa tribu et celle de d'"Al Achraf", est la réaction la plus retentissante au plan local d'autant qu'elle émane du président d'un des corps élus et partie prenante de l'accord politique de Skhirat que le maréchal Haftar a déclaré caduc.

 

Ainsi, le journaliste et ministre de l'Information dans le Conseil de transition qui a gouverné le pays après l'insurrection populaire de 2011, Mahmoud Chemam, a estimé, dans un tweet sur sa page Facebook, que le discours fuité de M. Salah "n'est pas fortuit" et que le différend entre lui et le maréchal Khalifa Haftar est plus stratégique que tactique.

 

Selon M. Chemam, le président de la Chambre des représentants installée à l'Est du pays et servant jusque-là de couverture légale au commandant de "l'armée nationale libyenne", a laissé entendre clairement que l'objectif de prendre le contrôle de Tripoli a échoué et que les pertes militaires vont continuer à l'absence d'une initiative politique parallèle".

 

Aguila Salah a fait allusion de façon claire au fait que "le principe de se proclamer l'unique dirigeant de la Libye et de vouloir instaurer une nouvelle constitution ou encore former un nouveau gouvernement" ce vers quoi tend le maréchal dans une deuxième étape, est inacceptable.

 

M. Chemam a noté, à cet égard, que l'initiative de M. Salah fait suite à un conseil donné par la Russie, le puissant allié de Haftar lorsqu'il a affirmé lors de son discours que "sa démarche est totalement conforme à la position de Moscou qui l'a incité à rafistoler les dégâts causés par le maréchal Khalifa Haftar", ajoutant que les "Russes vont initier une démarche internationale destinée à imposer un cessez-le-feu suivi de dialogue politique ".

 

Pour l'ancien ministre libyen de l'Information, Aguila Salah a mis le maréchal Khalifa Haftar et ses conseillers dans une position difficile lorsqu'il a affirmé que "seule la chambre des représentants détient la légalité et que le rôle de l'armée n'est pas de gouverner mais de combattre le terrorisme".

 

Il a en outre estimé que M. Salah s'est placé dans la position du premier négociateur localement et au plan international et fait perdre au maréchal Haftar les privilèges d'un partenaire, affirmant, à cet égard : "La proposition pour une trêve faite par le maréchal Khalifa Haftar a été rejetée par le gouvernement d'entente national qui a enregistré d'importantes avancées au plan militaire grâce au soutien turc et au niveau politique suite à l'initiative de Aguila Salah qui a déjoué la volonté du maréchal de s'imposer comme seul guide de la Libye".

 

Pour le journaliste, les options offertes présentement au maréchal sont apparemment très limitées : soit il poursuit les combats ce qui est conforme à sa personnalité mais à condition qu'il continue de bénéficier du soutien de ses alliés tout en sachant que ses chances de réussite se réduisent chaque jour, soit il proclame une nouvelle Constitution en se limitant à gouverner les territoires sous son contrôle et former un gouvernement qui sera très peu reconnu internationalement ou alors il accepte de déléguer M. Salah qui sera sa vitrine politique et par conséquent son représentant dans d'éventuelles futures négociations mais à condition que ce dernier accepte cette mission à la suite de pressions tribales au plan interne et de pressions internationales faites par les alliés du maréchal Haftar que sont l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Arabie Saoudite, précisément.

 

En plus du rejet par le gouvernement d'entente de la démarche du maréchal s'autoproclamant lundi dernier l'unique dirigeant de la Libye, les observateurs considèrent que la réaction du vice-président de la chambre des représentants, Fawzi Nouiri, rejetant la démarche de Haftar comme la plus retentissante réaction au plan local. M. Nouiri a, en effet, martelé son rejet catastrophique de ce qu'il a appelé "un coup d'état contre le processus démocratique et l'opération électorale qui constitue le choix prioritaire des différentes parties en conflit depuis 2014 à ce jour".

 

M. Nouiri est allé plus loin en invitant les députés "à l'unité afin de créer un projet national permettant d'accélérer la fin de l'anarchie et des combats qui empêchent l'édification des institutions étatiques et pour faire échouer la déclaration du maréchal Haftar mettant fin à l'accord politique ".

 

Il a ajouté, dans un communiqué publié mercredi, moins de 48 heures après la bombe lancée par Haftar : "Nous adoptons une position qui rejette cette démarche quelle qu'en soit l'origine et nous tenons au processus politique et démocratique voulu par les électeurs ". Il a qualifié la disparition de la députée libyenne Siham Sergiwa, qui critiquait ouvertement l'offensive de Haftar contre la capitale, enlevée par des hommes non identifiés, de "honte" pour ceux qui sont derrière cet enlèvement.

 

"La disparition de la camarade Siham Sergewa est un message adressé à tous les Libyens pour leur signifier les énormes difficultés et menaces auxquelles les députés sont confrontés dans leur vie, en prenant malgré les risques encourus, leur responsabilité qu'ils espèrent remettre prochainement au peuple, seul habilité à élire ses représentants ", a ajouté le vice-président de la chambre des représentants.

 

Le sort de la députée Siham Sergewa, enlevée, le 17 juillet 2019 par des hommes non identifiés qui avaient pris d'assaut son domicile en l'agressant ainsi que les membres de sa famille, est toujours inconnu.

 

Concernant les réactions au plan international, les observateurs ont fait état de la réaction rapide et inhabituelle des États-unis, marquée par un communiqué publié par l'ambassade américaine à Tripoli se contentant d'exprimer son "regret" par rapport à la déclaration du maréchal Haftar que Washington a considérée comme "une mutation de la structuration politique libyenne introduite par la volonté du maréchal Haftar de s'autoproclamer seul dirigeant du pays ".

 

Les États-unis ont en même temps salué "toute opportunité permettant de faire participer le maréchal Khalifa Haftar et toutes les autres parties prenantes au conflit à un dialogue sérieux sur comment résoudre la crise". Mais l'ambassadeur des États-unis en Libye, Rchard Norland, a vite corsé la position de son pays qui rejette la volonté du maréchal Haftar de prendre seul le pouvoir, affirmant dans un entretien téléphonique avec le Premier ministre du gouvernement d'entente, Fayez Sarraj, que seul l"'Accord politique libyen et les institutions qui y sont associées, y compris le gouvernement d'union nationale, sont le seul cadre internationalement reconnu pour gouverner la Libye et la transition politique", a indiqué un communiqué publié dans la page officielle de l'ambassade.

 

Même l'Égypte, considérée comme le fervent soutien de Khalifa Haftar, a affirmé sa préférence pour une solution politique à la crise libyenne, mais elle n'a pas manqué de saluer les efforts de "l'armée nationale libyenne sous le commandement de son allié dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme ", dans une tentative de laisser une place à Haftar dans la scène politique libyenne, soulignent les observateurs.

 

Pour ces derniers, l'Égypte s'est retrouvée dans une position inconfortable après la démarche du maréchal Haftar, surtout si l'on sait que Le Caire a, tout au long de ces dernières, affirmé que la chambre des représentants est le seul corps élu en Libye. Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi avait, lors d'une rencontre en juin 2019 dans la capitale égyptienne avec Aguila Salah, soutenu que le président de la chambre, "est la tête de la légalité en Libye".

 

Les Émirats arabes unis, autre grand soutien du maréchal Haftar, ont adopté après deux jours de silence, la même attitude que l'Égypte lorsque son ministère des Affaires étrangères a affirmé sa préférence pour "une solution politique" tout en dénonçant l'"intervention militaire turque en Libye après avoir salué le rôle de l'armée nationale libyenne dans la lutte contre le terrorisme".

 

Mais, de nombreux observateurs pensent que les Émirats arabes unis seraient derrière le maréchal le poussant à se déclarer seul dirigeant de la Libye, car Abou Dhabi n'est plus en mesure de supporter infiniment, le coût de la guerre que le maréchal autoproclamé mène suite à l'effondrement des cours du pétrole consécutif à la propagation du Covid-19 et aux pertes subies par l'armée nationale libyenne dans la partie ouest du pays. S'y ajoutent les condamnations internationales du rôle joué en Libye par les Émirats arabes unis dont la dernière est exprimée par Human Wright Watch qui a accusé Abou Dhabi d'avoir commis des génocides contre des civils en Libye en bombardant, en juillet dernier, le centre d'accueil des migrants clandestins à Tajoura, banlieue de Tripoli faisant plus de 50 morts.

 

Ce qui fait dire à certains que les Émirats arabes unis oeuvrent pour diviser la Libye et préparer, en collaboration avec l'Égypte le même scénario fait au Yémen en soutenant les séparatistes du sud contre le processus adopté par son allié, l'Arabie Saoudite.

 

Pour sa part, la Russie a affirmé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, que son pays "n'a pas accueilli favorablement les déclarations du maréchal Haftar en voulant prendre seul le pouvoir en Libye", ajoutant cependant que "Moscou n'a pas actuellement de moyens de pression pour influencer les décisions du maréchal".

 

Pour les observateurs, la réaction russe constitue une anticipation sur la position des Libyens à l'égard des forces russes sous la tutelle de l'agence Wagner dont la présence en Libye pour combattre aux côtés de Haftar est reconnue par le Président Vladimir Poutine en personne. Le chef de la diplomatie russe a saisi l'occasion pour réaffirmer la position de Moscou qui doute de la pertinence des résultats de la conférence de Berlin les qualifiant d'"invivables".

 

M. Lavrov a également affirmé, lors de sa conférence de presse mardi, que "Moscou n'est pas favorable aux déclarations de Fayez Sarraj qui a rejeté tout dialogue avec le maréchal Khalifa Haftar. M. Lavrov cherche ainsi, selon les observateurs, à diluer la position hostile de son pays à l'égard de la sortie de Haftar, tout en le maintenant dans la scène politique libyenne, une position très proche de celle adoptée par Abou Dhabi et Le Caire.

 

Alors que les réactions continuent de rejeter les déclarations du maréchal Haftar, le gouvernement d'entente national a opté pour le silence concernant les déclarations de M. Salah, président de la chambre des représentants, avec qui, selon les observateurs, il est possible de travailler afin de mettre fin à l'effusion de sang libyen et de faire face à la pandémie de Covid-19 à l'origine des dégâts humains et matériels dont l'effondrement des cours du pétrole, principale ressource de l'économie du pays.

 

 

FIN/ INFOSPLUSGABON/MPO/GABON2020

 

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