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Gabon : Les activités pétrolières vont interférer avec le prochain budget de l’Etat
25 Août 2016
Dossier / Gabon : Le poids de la crise pétrolière dans l'élection présidentielle 2016 (Analyse)
Par Antoine NKOLO LAWSON
LIBREVILLE, 25 août (Infosplusgabon) - La campagne officielle pour l’élection présidentielle du 27 août au Gabon, a été lancée le vendredi 12 août à minuit. La timide campagne d’affichage de la plupart des candidats est le signe de l’austérité financière. L’élection présidentielle et la capacité des gouvernants de gérer le pays au lendemain de celle-ci, dépendent en grande partie de l’activité pétrolière car le pétrole demeure la principale source de revenus du pays. Pour les dirigeants, bien que le pétrole ait contribué pendant plusieurs années à la création de 40,9% de la richesse du pays en 1997, environ 60% en 1999 et plus de 40% en 2015, la diversification de l’économie s’impose. Malheureusement, la dépendance de l’économie gabonaise vis-à-vis du secteur pétrolier pourrait constituer un facteur d’instabilité.
Une élection dans un contexte difficile
Le Gabon, dont plus de 50% des recettes fiscales et 80% des exportations proviennent de l’industrie pétrolière et gazière, connaît une année charnière, marquée par une contraction économique globale, un glissement du prix du pétrole et une vague de licenciements économiques, notamment au sein des entreprises de sous-traitance du secteur para-pétrolier à Port-Gentil. Derrière cette crise macro-économique émerge une vision gouvernementale d’un Gabon réformé, industrialisé et attractif. Avec le 11e appel d’offres pour l’attribution de cinq blocs pétroliers en eaux profondes du Gabon, l’adoption d’un nouveau Code des Hydrocarbures et l’effort de monétiser les ressources gazières, une palette de nouvelles opportunités se manifeste avec un impact sur le choix stratégique des opérateurs pétroliers. En outre, fragilisée par l’effet induit de la crise et engagée dans un positionnement à long-terme dans le pays, quelques compagnies pétrolières demeurent encore des acteurs clé de l’économie nationale.
Les principaux opérateurs du secteur pétrolier au Gabon sont : Shell Gabon, Total Gabon, Perenco Gabon, Addax Petroleum Oil & Gaz Gabon, Maurel et Prom Gabon, Vaalco, Tullow Oil Gabon et Gabon Oil Company (GOC), entreprise nationale créée en 2011. Selon une enquête d’opinion réalisée par le cabinet gabonais BERP International entre le 1er décembre 2015 et le 30 avril 2016 sur un échantillon de 500 personnes, à Libreville et à Port-Gentil, c’est Gabon Oil Company qui arrive en tête en matière de bonne qualité de ses relations avec les autorités publiques. En terme de notoriété spontanée, 33,3% des enquêtés citent Total Gabon dans un carré qu’elle partage avec Shell Gabon (23,8%), Addax Petroleum Oil & Gas Gabon (22,2%) et Perenco (5,6%).
Cette forte notoriété de Total Gabon semble liée à son leadership d’opérateur historique. Dans l’opinion locale, Total Gabon est perçue comme la première entreprise privée au Gabon. Les chiffres reflètent également la réalité du positionnement des principaux producteurs pétroliers sur le plan opérationnel. Le score totalisé par les quatre premiers opérateurs est logiquement supérieur à 60% des opinions.
Pour sortir de la crise, à l’heure où les activités économiques hors pétrole s’enlisent, les dirigeants à la tête d’un Gabon très centralisé, devraient consentir à pratiquer de larges abandons de souveraineté et réussir à entraîner l’incontournable adhésion des populations. Avec un baril de pétrole à 39 dollars US au début du mois d’août, la crise de l’or noir sévit depuis plusieurs mois au Gabon. Les compagnies pétrolières et leurs employés en pâtissent. A Port-Gentil, capitale économique et capitale pétrolière du pays, plusieurs sociétés se séparent d’une partie de leur personnel pour juguler la crise alors que d’autres proposent des départs volontaires si ce n’est la mise au chômage technique chez les compagnies para-pétrolières ou celles qui proposent leurs services aux majors pétroliers tels Total Gabon, Shell Gabon et Perenco.
Récemment, les dirigeants de la compagnie Maurel & Prom, frappée par la crise, ont choisi de céder une partie du capital social de leur société à la compagnie d’Etat Indonésienne Pertamina. Pour les analystes gabonais, la période des prix de pétrole bas va être longue comme dans le passé de 1960 à 1973, puis de 1996 à 1998.
Total Gabon va favoriser les départs volontaires
Dans un entretien accordé début août au quotidien l’Union, le directeur général de Total Gabon, Henri-Max Ndong-Zué, s’est voulu rassurant : « Total Gabon ne licenciera pas, malgré la crise qui secoue le secteur pétrolier ». Ainsi, compte tenu d’un contexte difficile pour les entreprises pétrolières, la filiale gabonaise du groupe pétrolier ne réduira pas ses effectifs bien qu’elle ait enregistré en 2015 une perte de 28 millions $ . « Total Gabon compte sur son programme de réduction des dépenses lancé en 2014 pour maintenir les emplois, préserver ses équilibres financiers et mieux résister face à la crise. Il faut rappeler que de nombreuses compagnies ont, à travers le monde, supprimé des milliers de postes depuis le début de la crise et que certaines autres ont même fait faillite », a fait savoir le patron de Total Gabon.
Rappelons que sur la période 2010-2014, Total Gabon avait créé 220 emplois directs dans le cadre des efforts d’investissements opérés. Cette initiative a d’ailleurs donné lieu à un doublement du budget annuel lié à la formation soit 1,7 million $. Même si Total ne mettra en œuvre aucun plan social au cours des prochains mois, elle envisage à court terme plusieurs départs à la retraite. Mr Ndong-Zué a expliqué que « beaucoup de ses collaborateurs remplissant déjà les conditions pour bénéficier d’une pension vieillesse, ont exprimé le désir de partir plus tôt à la retraite ».
Quelle est la situation de l’entreprise ?. Pour M. Guy Maurice, Président du Conseil d’administration de Total Gabon et Directeur Afrique de la branche Exploration-Production de Total, le groupe Total s’inscrit dans la durée au Gabon. Pour coller avec la politique de l’emploi que prône le gouvernement gabonais ; l’une des principales interventions de Total est le secteur de la santé avec une contribution au Centre International des Recherches Médicales de Franceville (CIRMF) et dans le secteur de l’Education avec l’Institut de Pétrole et du Gaz (IPG) basé à Portr-Gentil.
Le directeur général de l’Ecole gabonaise des professions sanitaires et sociales (EGAPS), Célestin Mbina Mouity dont 45 stagiaires recevaient récemment leurs diplômes à l’issue de deux années d’études, encourage l’initiative privée. L’établissement est implanté à Port-Gentil, ville frappée par la crise pétrolière. Selon M. Mbina Mouity, « la situation du pays est contraignante avec la mal gouvernance dans tous les domaines et les effets collatéraux qui ont entrainé la diminution des effectifs dans les entreprises aussi bien que l’arrêt des recrutements dans certaines d’entre elles ». En cette période électorale, l’un des candidats de l’opposition, Jean Ping, propose de « mettre le Gabon à l’abri de la peur et du besoin ». « J’ai envoyé mon programme de société aux patrons de Shell Gabon et j’attends qu’ils m’appellent pour qu’on discute notamment sur le chômage. Shell Gabon demande de soustraire 30% de son personnel. L’Etat a dit non. Ce qui est normal pour protéger les emplois des citoyens (…) », a-t-il commenté à la fin du mois de juin lors de sa tournée dans l’Ogooué Maritime.
Quant au président de la Confédération patronale gabonaise (CPG), Jean Bernard Boumah, qui avait signé avec le gouvernement le pacte pour le maintien de la croissance et de l’emploi en période de crise pétrolière, il a plaidé pour « des actions urgentes et concertées pour sortir le pays de l’engrenage actuel du « tout pétrole » en stimulant l’entreprenariat privé, notamment celui des jeunes. « Grâce à la stratégie de diversification de l’économie, nous (la CPG) avons réussi à réduire le poids du pétrole dans le PIB passant de 45% en 2010 à 23% en 2015. Ce qui a permis à notre pays de mieux résister à la crise pétrolière, contrairement à certains pays pétroliers qui sont entrés en récession », a souligné Ali Bongo, hôte du Patronat gabonais le 9 août à Libreville.
Le Gabon voudrait sortir d’une crise qui freine son développement
Le Gabon a bâti sa richesse exclusivement sur le pétrole, le bois et quelques matières premières. L’inégale répartition de la population et des revenus à travers le pays, pose les véritables problèmes de développement.
« La situation alarmante, responsable de l’aggravation du chômage, résulte de la mauvaise politique économique des gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1970, période de la grande prospérité pétrolière », témoigne un inspecteur général des finances qui a requis l’anonymat.
« Aujourd’hui, les investisseurs ne se bousculent plus au chevet du Gabon, et le soutien de la France ne suffit plus pour «changer les mentalités des dirigeants» trop dépensiers. L’absence d’une justice fiable, la corruption qui gagne les agents de l’Etat et les détournements des deniers publics qui se multiplient, ne plaident pas non plus pour la bonne gouvernance », a-t-il déclaré.
Depuis quelques années, les données ont changé. Le pétrole, principale ressource du pays, s’épuise. A la faveur de la crise économique, le secteur informel a pris ces dernières années une place importante dans l’économie gabonaise, même si les données relatives à sa contribution dans le PIB ne sont pas disponibles. Le Gabon doit aujourd’hui diversifier progressivement son économie pour sortir du piège du pétrole. La majorité de la population (environ 800 000 hab.) vit dans la capitale, Libreville. Le Gabon continue de souffrir de l’énorme place que prend le pétrole dans son économie. Les prochains gouvernements essayeront d’inverser progressivement la tendance. Un réel défi !.
FIN/INFOSPLUSGABON/ALN/2016
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