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Gabon : La démocratie malade, les institutions ’’républicaines ’’ contre le peuple

Gabon-Dossier-Démocratie-Partie  I

Par Frederick  Mba Missang*

LIBREVILLE, 9  décembre (Infosplusgabon) - Le Gabon est indépendant depuis 1960 et engagé dans le processus démocratique depuis 1990. En tant qu’Etat indépendant voué à la démocratisation de la société, son harmonie repose à la fois sur les institutions républicaines sensées lire la loi, et sur le consentement du peuple à se soumettre aux normes et lois produites par ces institutions.

 

Mais pourtant que les institutions soient considérées et toujours présentées par essence comme outils de médiation et d’harmonisation de l’Etat et de la société, elles sont en réalité une émanation du peuple souverain qui leur confie la souveraineté dont elles  incarnent et exercent dans la société. 

Dans ce sens, elles s’inscrivent dans le prolongement de la volonté générale et par conséquent de la souveraineté populaire. En principe, elles devraient contribuer au triomphe de la volonté du peuple engagé dans le processus de démocratisation de la société et de l’Etat de droit. Or, au Gabon, l’environnement politique depuis 1990 laisse constater une certaine opposition entre le peuple et les institutions ‘’républicaines ‘’ trop souvent mêlées dans le jeu de l’arbitraire du pouvoir.

Proches du souverain et de son système, elles (institutions) deviennent comme de simples outils politiciens contre le peuple. En s’appuyant sur l’Assemblée nationale, le Ministère de l’Intérieur, la Cour constitutionnelle et l’Armée, cet article soulève le problème de la démocratie au Gabon et analyse le fonctionnement paradoxal des acteurs dits, démocratiques au Gabon. Il s’agit en effet, des  institutions ‘’ républicaines’’ et  du peuple opposés dans le processus de démocratisation de la société et de l’Etat de droit. Elle vise à analyser et présenter cette opposition comme l’un des obstacles majeurs à l’éclosion de la démocratie au Gabon.

D’abord, il sera présenté le contexte d’émergence de la démocratie au Gabon, ensuite la quête et la cooptation des institutions ‘’républicaines’’ par Omar Bongo, après le comportement partial des institutions dans la scène politique gabonaise, et enfin le triomphe de la démocratie bourgeoise conséquence de ce revirement institutionnel. 

 

L’avènement de la démocratie et de la refondation de l’Etat au Gabon

 Le Gabon à l’instar de certains autres Etats d’Afrique noire a amorcé son processus démocratique en 1990. Ce nouveau départ politique salué par le peuple fut à l’origine de l’organisation d’une conférence nationale en mars de la même année, puis d’une table ronde sur le thème : « Le projet politique de la refondation de l’Etat au Gabon : opportunité et enjeux ».

Le nouvel environnement politique issu de la démocratisation de la société, de la séparation de l’Etat et du politique imposait une reconfiguration des institutions déjà existantes et la mise en place d’autres capables de contribuer au débat démocratique, à l’arbitrage des conflits politiques internes  et à l’apaisement du climat sociopolitique national.

Ce souci de préserver l’Etat et la société loin de tout conflit politique va justifier la création de certains outils institutionnels de médiation. Outre la Présidence de la République, l’institution militaire et l’Assemblée nationale dont l’existence date bien avant 1990, il fut créé le Senat chargé de voter les lois, consentir l’impôt et contrôler l’action de l’exécutif. Du point de vue judiciaire, furent créées en 1991 « la Cour constitutionnelle, judiciaire, administrative, des comptes et d’Appel, le Conseil d’Etat et des tribunaux ordinaires ».

Ces différents organes judiciaires constitutifs du pouvoir judiciaire sont indépendants du pouvoir exécutif .  Toujours dans l’esprit de médiation et de pacification des différents acteurs politiques nationaux, il a été mis en place en 1992, le Conseil national de la communication garant de la liberté de la presse. Un an après, c’est-à-dire en 1993 le Conseil économique et sociale  vit le jour. Son rôle consiste à faire le lien entre le peuple et l’Etat.

En 1996, dans le même élan politique, la Commission nationale des droits de l’homme et le Conseil national de la démocratie furent crées. Le CND aura pour missions « d’élaborer un cadre de bonne conduite à l’usage des acteurs de la vie politique nationale, assurer la médiation entre les conflits opposant les partis politiques et l’administration et les partis politiques entre eux ». 

Compte tenu des nouvelles exigences politiques issues de la démocratie, le projet de la refondation de l’Etat exigea à ce que l’Armée, jadis actrice du parti démocratique gabonais puisse renoncer à son engagement et à son attachement partisans pour se mettre à l’écoute et au service de l’Etat son employeur. Dans ce sens, la Garde Présidentielle prise sous le décret   n°719/PR du 4 Juin 1970 fut réhabilitée et rebaptisée Garde Républicaine sous le décret le   n°003/96003/96 du 6 Mars 1996. De manière théorique, la transformation et la création des outils politiques et sécuritaires de médiation, de prévention et de communication auguraient une ère nouvelle favorable à l’éclosion de la démocratie. 

Mais, à quoi sert-il de réorganiser  les institutions et d’en créer d’autres si les hommes qui les dirigent restent animés par les mêmes désirs et acquis pour les mêmes causes? En effet, « il ne suffit donc pas seulement de promouvoir et de formuler un corpus juridique, encore faudrait-il faire vivre les textes, [les institutions] et assurer le respect et l’efficacité des principes constitutionnels et de l’Etat de droit en tant que fondement de la gouvernance démocratique ».

 

Quête et cooptation des institutions ‘’républicaines’’ par Omar Bongo : Assemblée nationale, Cour constitutionnelle, Ministère de l’Intérieur et l’Armée

 

L’urgence d’une réflexion initiée en 1990 sur la démocratisation de l’Etat et de la société par la création des outils institutionnels de médiation démocratique eut un écho défavorable dans l’esprit d’Omar Bongo resté le même du point de vue physique qu’idéologique après 1990.

Convaincu que les différentes conclusions tirées des assises démocratiques, de la table ronde sur la refondation de l’Etat et même des Accords de Paris mettaient en mal son monopole politique et prédisposaient la fin de son système politique et de son règne, il entreprit une nouvelle réflexion non sur les politiques d’encouragement des différentes institutions mises en œuvre pour promouvoir la démocratie, mais plutôt sur les politiques et les stratégies de corruption et de confiscation des institutions politiques qu’il soumis à ses désirs et volonté politiques.

C’est donc ainsi que la question sur la promotion de la démocratie par les institutions souveraines et transparentes dévire subsidiaire, c’est-à-dire remplacée par les logiques de penser et d’actions subjectives et partisanes initiées par le prince. Du dialogue inclusif entre Omar Bongo et les représentants des institutions qu’il nomma selon ses pouvoirs discrétionnaires , naquit une sorte de complicité à l’origine du détournement et de la confiscation des institutions qui désormais seront acquises pour le prince et vouées à ses ambitions.

(Lire  la  suite de ce  dossier le jeudi 10  décembre 2015  : « Institutions personnalisées au service d’un homme et de son système »

* Frederick  Mba Missang  est Docteur nouveau régime en science politique, Santé Publique, Institutions et Politique de défense 

 

FIN/INFOSPLUSGABON/OPM/GABON2015

 

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