[ Inscrivez-vous ]
Gabon : Les Pygmées, des citoyens à part entière
15 Décembre 2014
Dossier-Culture-Pygmées
Par Antoine NKOLO LAWSON
LIBREVILLE, 15 décembre (Infosplusgabon) - Les autorités gabonaises avaient délivré il y a plusieurs mois aux Pygmées de 0 à 5 ans un acte de naissance. L’intégration des populations Pygmées d’Afrique centrale constitue une avancée importante pour leur survie et pour leur recensement. On dénombre aujourd’hui quelque 250 000 individus appartenant à différents groupes ethniques, répartis dans plusieurs pays : Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée-Equatoriale, Ouganda, République Centrafricaine, République démocratique du Congo (RDC).
Depuis six ans, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a entrepris avec l’aide des autorités gabonaises de vacciner les jeunes Pygmées, de leur procurer de la vitamine A et des moustiquaires imprégnées afin de se prémunir contre le paludisme considéré comme l’une des principales causes de décès dans cette communauté sédentaire.
L’initiative des autorités est fort ambitieuse. Elle porte peu à peu ses fruits puisque les Pygmées ont reçu pour la première fois en avril 2007 des actes de naissance par le Préfet du Haut Ntem basé à Minvoul, Pierre Moudouma Koumba. C’est une sorte de premier document officiel qui leur ouvre la voie à l’établissement de la Carte nationale d’identité (CNI), à l’inscription dans une école, au droit de vote… et à la délivrance d’un passeport. Cela s’est passé au campement de Bitouga, en pleine forêt, au nord du Gabon.
Un projet de développement intégré
Ce projet de développement intégré a été financé par le comité UNICEF de la Grande Bretagne. Il interpelle également les gouvernements d’Afrique centrale à travers le comité des droits de l’enfant de Genève de 2002.
Les Pygmées sont des membres d’une tribu vivant de chasse et de cueillette dans les forêts équatoriales africaines. Caractérisés par leur petite taille, moins de 1,50 mètre en moyenne, les Pygmées du Gabon ont leurs homologues au Cameroun, en République Centrafricaine, au Congo Brazzaville et en Guinée Equatoriale. Mais le groupe le mieux suivi est celui des Mbuti de la forêt d'Ituri, en République Démocratique du Congo (RDC). C’est à l’issue d’un recensement que des Pygmées vont à présent s’intégrer en milieu villageois où ils ont déjà fait leurs débuts commerciaux à travers la vente de viande de brousse et des produits de leurs plantations, essentiellement du manioc et des tubercules.
Organisées en petite société où la hiérarchie est respectée, les femmes Pygmées s’adonnent au ménage et s’occupent des enfants. Les hommes allument le feu dans la pure tradition Pygmée mais utilisent parfois du pétrole et des allumettes pour aller plus vite. Plusieurs visites ont déjà été réalisées avec l’aide de l’UNICEF sur le site de Bitouga, dans le cadre d’une campagne de vaccination, d’administration de vitamine A et d’une enquête visant à recenser les Pygmées.
Qui sont les Pygmées ?
Les Pygmées sont plus petits que les autres humains car ils n'ont pas de poussée de croissance. Mais avec les régimes alimentaires actuels et la vie à proximité des villages, il n’est pas surprenant de rencontrer des Pygmées présentant une taille normale. Selon des sources anthropologiques, c'est une adaptation environnementale qui leur confère un avantage en forêt car leur plus petite taille leur offre une plus grande résistance aux climats chauds et humides. Certains Pygmées parlent le Fang, un dialecte très utilisé dans le nord du Gabon, au Cameroun, jusqu’en Guinée Equatoriale. Dans la grande forêt équatoriale, en Afrique centrale, des Pygmées vivent toujours de la cueillette et de la chasse comme à la fin du paléolithique. « Dix mille ans d'évolution culturelle sont passés à côté d'eux, mais aujourd'hui la "civilisation" les rattrape car les instruments utilisés au quotidien pour chasser ou pour se nourrir viennent tout droit de nos supermarchés », explique André Angoué, membre d’une équipe du Fonds mondial pour la nature (WWF) qui a séjourné au campement de Bitouga. Les Pygmées entretiennent leurs traditions et conservent jalousement leurs secrets.
Un campement vieux de 77 ans
Bitouga, situé à 120 kilomètres environ de Minvoul et à 500 km de Libreville, a été créé en 1929. Accessible par un débarcadère ou par une colline escarpée, après une longue marche, ce campement isolé est peuplé d’une cinquantaine d’individus d’ethnie Bika et Fang. Pour contrôler et recenser la communauté Pygmées, des équipes du département du ministère des Affaires sociales et de l’UNICEF ont effectué des missions au campement de Bitouga pour appuyer le projet créé depuis 2004 et qui vise à recenser les communautés Pygmées, à aller vers elles, à les vacciner et à les sensibiliser sur différentes pandémies.
L’enregistrement des communautés Pygmées n‘est pas chose facile du fait de leur vie sédentaire d’une part, et de la peur qu’ils manifestent souvent vis-à-vis des populations différentes des leurs et de leur mode de vie. D’après les historiens, les Pygmées seraient les premiers occupants de la forêt équatoriale d’Afrique centrale. Malgré des situations diverses selon les pays, les Pygmées subissent une marginalisation quasi systématique. Véritables citoyens de seconde zone, ils n’ont pas souvent accès à l’éducation ou à l’emploi ; sauf à parler de travail lorsqu’ils sont exploités par des paysans pour des salaires de misère.
Ce sont là, des relations que d’aucuns qualifient de type esclavagiste. Le village le plus important des Pygmées rassemble 200 individus suivis d’un autre qui regroupe une soixantaine de Pygmées organisés en famille. Le programme initié par l’UNICEF permet d’avoir une bonne visibilité dans les problèmes que rencontrent les enfants Pygmées, dont la plupart succombent à la malaria dès leur jeune âge. Les âges des Pygméees sont attribués de manière approximative et sur la base des renseignements récoltés sur place.
Des certificats d’âge sont ensuite délivrés avant que le tribunal d’Oyem ne leur transcrive un acte de naissance, premier document officiel pour leur intégration comme citoyen à part entière comme les autres africains. Peuple sédentaire, les Pygmées vivent de cueillette et de chasse et nombreux sont ceux qui vivant en marge des villages gabonais traditionnels, ont multiplié au fil des ans, des échanges avec les autochtones et d’autres villageois sur les marchés des petites villes avoisinantes. A Bitouga, le campement ne dispose pas d’eau potable ni d’électricité et le taux de mortalité des enfants est élevé à cause du paludisme qui endeuille plusieurs familles. Le ministère des Affaires sociales et le Palais de justice accompagnés dans leurs efforts de recensement des Pygmées sédentaires du Gabon par l’UNICEF, ont recensés avec succès ceux du campement de Bitouga. La même opération a été réalisée dans les autres pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.
FIN/INFOSPLUSGABON/OPK/2014
© Copyright Infosplusgabon