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Infrastructures : En Algérie, une autoroute doit traverser le pays sur 1216 km
14 Octobre 2014
Par Jean-Michel Meyer
LIBREVILLE, 14 octobre (Infosplusgabon) - Huit ans que le chantier de l’autoroute est-ouest s’éternise en Algérie. Derniers rebondissements : l’État a résilié le contrat qui le liait au consortium japonais Cojaal, qui devait construire un tiers de “l’ouvrage du siècle”, et la Cour suprême a une nouvelle fois ajourné sa décision concernant des soupçons de corruption.
Un couac de plus pour le “chantier du siècle”, l’interminable construction de l’autoroute est-ouest qui doit traverser l’Algérie sur 1 216 kilomètres. Abdelkader Kadi, le ministre algérien des Travaux publics, a confirmé, le 6 octobre, la résiliation du contrat qui lie l’État au consortium japonais Cojaal pour la réalisation du tronçon est de cette autoroute emblématique. Une résiliation justifiée officieusement par le non-respect des délais.
Les travaux qui restent à réaliser seront confiés très prochainement à deux groupements. “Les entreprises sont en consultation et on va les désigner dans quelques jours ou quelques semaines. On va compter sur ces groupements pour les réalisations dans des délais records et à moindre coût que les propositions de Cojaal”, a précisé Abdelkader Kadi.
De son côté, le groupement japonais a sollicité un arbitrage international et demande 910 millions de dollars de dommages et intérêts pour cette décision de l’État algérien.
Six ans de retard
Un virage à 180°. En 2006, Cojaal était le grand vainqueur, avec le groupement chinois Citic-CRCC, d’un appel d’offres international pour la construction de 927 kilomètres de cette infrastructure autoroutière qui doit relier, en longeant la côte méditerranéenne, la ville de Maghnia, à la frontière marocaine, à celle de El Tarf, à la frontière tunisienne, en passant par de grandes villes comme Tlemcen, Oran, Alger, Setif, Constantine et Annaba. Cojaal avait alors décroché la construction de 359 kilomètres d’autoroute pour 5 milliards de dollars.
Depuis, le chantier du siècle devient l’affaire du siècle en Algérie. La construction de l’autoroute devait être bouclée en quarante mois pour être livrée courant 2010. Le groupement chinois a bien terminé des tronçons centre et ouest en 2012, mais d’importants travaux de réfection ont déjà été entrepris ! Pour Cojaal, la fin du chantier était finalement programmée pour 2016…
Portions d’autoroute ouvertes à la circulation, puis fermées pour réfection, effondrement d’un tunnel après un éboulement, malfaçons… L’autoroute est-ouest accumule les problèmes. Et les oublis de taille : le projet initial n’avait pas pris en compte les équipements annexes (stations-services, aires de repos, gares de péage, etc.). Lancés en 2013, leur installation dépassera le milliard de dollars.
Estimé à 7 milliards de dollars à l’origine, le projet d’autoroute a atteint 11,4 milliards de dollars au moment de l’attribution du marché. Et depuis, le coût s’envole. Il dépasserait maintenant les 13 milliards de dollars. Certains avancent même une facture de 15 voire de 18 milliards de dollars ! Selon l’économiste algérien et expert international Abderrahmane Mebtoul, le coût de l’autoroute est-ouest est supérieur de 20 à 25 % par rapport aux normes internationales, main-d’œuvre, utilités, matières premières et frais d’expropriation compris.
1 milliard de dollars pour la corruption
Ce qui en fait de toute manière le marché public le plus cher d’Afrique à ce jour. Et le kilomètre d’autoroute parmi les plus élevés au monde. Soit un coût de construction au kilomètre de 9,95 millions de dollars. Selon une étude en France du Service d’études techniques des routes et autoroutes (Setra), effectuée en 2005 et confirmée en 2006 par un rapport sur “la comparaison au niveau européen des coûts de construction, d’entretien et d’exploitation des routes”, le coût varie en Europe de 3,8 millions à 6 millions d’euros “pour des autoroutes en site peu contraint” et de 4,9 millions à 7,6 millions d’euros “dans un site à environnement contraignant”.
L’inflation du coût de l’autoroute est-ouest s’explique aussi part une vaste corruption mise au jour à partir de 2009 et estimée à 1 milliard de dollars. Le service de police judiciaire de la direction du renseignement et de la sécurité (DRS) a mené une enquête transmise depuis à la justice. Le document de la chambre d’accusation comporte plus de 400 pages. L’affaire est aujourd’hui entre les mains de la Cour suprême. Elle devait livrer son verdict sur des pourvois en cassation le 19 décembre 2013. Il a été reporté. Les magistrats de la Haute Cour devaient à nouveau se prononcer le 18 septembre dernier. Le délibéré a une nouvelle fois été ajourné et repoussé au 16 octobre…
FIN/INFOSPLUSGABON/ART/2014
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